Jack l’Eventreur et
le Docteur Thomas Neill Cream ne font-ils qu’un ? Ou que vaut
l’alibi du Docteur Neill prétendant purger en 1888 sa peine au
pénitencier de l’Illinois ?
Comme
le Docteur Neill , condamné à la pendaison, se tenait debout,
attaché, le visage couvert, un quart de seconde avant sa chute dans
la trappe, « le bourreau, M. Billington, l’entendit dire
derrière son masque :
« Je
suis Jack l’… », rapporte Elisabeth Jenkins dans « Un
gentleman empoisonneur », la meilleure biographie du
mystérieux criminel (du moins en ce qui concerne la partie
« empoisonneur », mais sans jonction avec les massacres
de Jack l’Eventreur) publiée dans le tome 2 d’une sélection du
Reader’s Digest, 1962, « Scotland mène
l’enquête ».
Il
avait , de sa prison, réussi à faire parvenir moyennant une belle
somme la lettre suivante, bien dans son caractère , au juge , M.
Braxton Hicks (les caractères gras sont de moi) :
«
Cher Monsieur,
L’homme
que vous tenez, le Docteur Neill, est aussi innocent que vous. Le
connaissant de vue, je me suis déguisé pour lui ressembler et j’ai
fait la connaissance des filles qu’on a empoisonnées. Je
leur ai donné des pilules pour les guérir de toutes les
misères du monde, et elles en sont mortes. Miss L. Harris a
plus de bon sens que je ne l’aurai cru, mais je l’aurai tout de
même…Si j’étais vous, je relâcherais le docteur Neill,
autrement vous pourriez avoir des ennuis. Son innocence sera
proclamée tôt ou tard, et lorsqu’il sera libre, il vous
poursuivra peut-être pour dommages et intérêts.
Respectueusement vôtre, JUAN POLLEN,
alias JACK L’EVENTREUR
Que
chacun se le tienne pour dit, je ne préviens qu’une seule fois. »
Rappelons que la prostituée L. Harris avait jeté au sol les pilules de strychnine que lui avaient données le docteur Neill, sans qu’il s’en soit aperçu, et avait ainsi échappé à la mort. Le pseudonyme Juan Pollen est intéressant car c’est l’anagramme (J =i) qui nous livre le véritable nom de l’empoisonneur : Paul O’Neill. Un autre pseudonyme, Malone (anagramme de (P)A (UL) O’Nel), employé dans une lettre de chantage expédiée le 28 novembre 1891 par Neill au docteur Broadbent , confirme cette identité. D’autre part, Jack the Ripper est l’anagramme de Tho (m) as Crea(m) le second nom usurpé de Paul O’Neill : ces deux pseudonymes établissent la concordance entre l’empoisonneur Paul Neill et le docteur Thomas Cream, alias Jack l’Eventreur.
Jack est le surnom d’un certain nombre de criminels célèbres
d’autrefois, Jack Shepphard, Spring- Heeled Jack, Sixteen
-Stringed Jack, Three -Fingered Jack, Slippery Jack et Cannibal
Jack par exemple. De plus, les High Rips (de to rip,
éventrer) étaient des bandes qui détroussaient les prostituées
ou « relevaient les compteurs » et les rackettaient.
D’autre part, Jack the Saucy (Jack le [maquereau] bien
habillé), employé aussi par lui, contient encore, mais plus
prudemment, Thau (m) as C(r)ea(m) Autre anagramme :le 14
juin 1888, le Charing Cross Hotel a passé une annonce dans le
Times pour retrouver les propriétaires d’objets oubliés dans
ses murs par des clients distraits, dont un dénommé Mebrac,
anagramme de C(l)ear et allusion à (Florie) Maybrick. Parmi
ces objets figure un sac de cuir noir sur lequel nous reviendrons.
Dernière anagramme : Alfred (ou Thomas) Brierley,
l’amant de Florie Maybrick, est l’anagramme de Thomas (C)
ream. Fred, qui renvoie à Alfred Brierley, est le
nom qu’il se donne vis-à-vis de prostituées qu’il
empoisonnera.
Le
signalement de Jack par un laitier.
L’homme
connu sous le nom de Thomas Neill Cream était atteint de strabisme
divergent, il louchait et portait des lunettes la plupart du temps :
sans elles, il voyait très mal, étant hypermyope. Or, à 23 heures,
le samedi 1 er septembre 1888, dans Turner Street, non loin de
l’endroit du meurtre de Mary Ann Nichols, un laitier décrivit à
la police un homme venu lui acheter pour un penny de lait qu’il but
d’une traite. Il s’agissait d’un homme d’environ 28 ans, au
teint rougeaud, avec une barbe de 3 jours, des cheveux bruns, de
grands yeux écarquillés et ayant l’allure d’un « employé
de bureau » ou d’un étudiant. Les grands yeux écarquillés
paraissent naturels chez quelqu’un qui louche et qui a retiré ses
lunettes. Nous reverrons ce laitier observateur à propos du sac noir
brillant que portait l’individu.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Caroline
avait parlé avec un
homme aux cheveux noirs, avec une moustache noire et
un costume gris miteux. Cela ressemble à la photographie du « Docteur » Neill.
L’état
civil du Canadien Paul O’Neill (1854 ? Québec-1891,Londres),
représentant en produits pharmaceutiques, son usurpation
d’identité et sa captation d’héritage à l’encontre du
docteur Thomas Cream , dont la riche famille était aussi installée
au Canada, et qui exerçait à Chicago.
Scotland
Yard nourrissait des doutes légitimes sur le nom véritable de
Neill qui, voyant les implications possibles de la révélation de
ses divers pseudonymes, n’avait pas voulu déclarer son identité
quand il fut arrêté. Scotland Yard s’arrêta à faux certificat
de baptême au nom de Thomas Neill Cream que Jack l’Eventreur
avait fabriqué. Il doit être précisé que le Canada est
probablement le pays où les actes d’identité sont délivrés avec
le moins de contrôles. Neill avait confié à sa crédule fiancée,
Laura Sabbatini,cette demi-vérité qu’il se faisait appeler Thomas
Neill à cause d’un problème juridique compliqué concernant un
héritage, mais que son « véritable » nom était
Thomas Neill Cream.
La
famille de Neill était une famille nombreuse : 8 enfants,
-c’étaient les propriétaires d’une scierie dans la ville de
Québec. Mais deux frères refusèrent d’adopter la profession
paternelle de scieur, l’aîné Thomas, né le 27 mai 1850 à
Québec, et son cadet Paul dont nous n’avons pas la date de
naissance, peut-être 1854 : par admiration pour son aîné qui
faisait de brillantes études médicales, Paul usurpa le prénom
et la profession de son frère aîné. Thomas s’était inscrit
à l’Université de Montréal, la Mac Gill University, à la
faculté de médecine et de chirurgie, s’intéressant à la
gynécologie et à l’obstétrique. Il avait soutenu une thèse sur
le chloroforme. L’Université, le confondant avec Paul, lui
retirera par la suite le droit d’exercer au Canada, mais il était
déjà mort. .
Son
jeune frère Paul, le futur empoisonneur, s’inscrivit à l’école
de musique de la même Université. Au cours de ses aventures, il fit
la connaissance à Chicago, Illinois, d’un Docteur Thomas
Cream, né à Glasgow, qui avait fait des études de médecin et de
chirurgien à l’Université d’Edimbourg et appartenait à une
riche famille installée à Québec. En 1881, à Chicago, « la
jeune et jolie épouse d’un épileptique d’un certain âge, Julia
Scott, arriva au cabinet de Neill pour lui demander un remède qu’il
recommandait contre l’épilepsie. Neil séduisit la jeune
femme et donna à l’époux une drogue comportant une dose de
strychnine telle que le malade mourut en vingt minutes. Le décès
fut attribué à une crise d’épilepsie. ». Sous la signature de
son très riche ami, le Docteur Cream, il écrivit alors à la
police en accusant de négligence le pharmacien qui avait délivré
l’ordonnance. On fit exhumer le corps et l’on trouva alors 2, 56
grammes dans l’estomac de la victime. .
Le
tour était joué : le malheureux docteur Cream, innocent
pourtant, fut condamné à la réclusion perpétuelle
incompressible au pénitencier de l’Etat de l’Illinois.et,
lorsque, peu après, le père du vrai Thomas Cream mourut au
Canada, c’est le faux docteur Neil baptisé Cream pour l’occasion
qui postula pour l’important héritage, géré par des gens qui
n’avaient jamais vu le vrai docteur Cream. Notre empoisonneur et
massacreur sadique s’appellera désormais Thomas Neill
Cream.
La
législation de l’Illinois prévoyait, en cas de meurtre avec
préméditation, -ce qui étai le cas,- une peine de réclusion à
perpétuité sans possibilité de réduction de peine au-dessous de
25 années.
Quant
à ceux qui demanderaient des nouvelles de Julia Scott, l’amie de
Neill, comme elle était dangereuse pour Neill, il lui fit goûter
d’une pilule qui l’en débarrassa pour toujours, les décès dus
à la strychnine passant pour occasionnés par la tuberculose.
Lorsqu’il
se retrouva à Londres, le docteur Thomas Neill Cream, comme il se
faisait désormais appeler, peut vivre sans exercer , grâce aux
rentes versées par les mandataires du vrai docteur Cream. Pour
expliquer à Scotland Yard comment, bien que condamné à la
réclusion perpétuelle, il est en liberté à Londres, il forge
l’histoire suivante : « une campagne en sa faveur (qui
pouvait croire à son innocence ?) avait abouti à une réduction
de peine de 17 ans de réclusion ( 25-17=8 ans à purger
effectivement ), laquelle peine de 8 ans , ajoutée à une rémission
de peine pour bonne conduite (afin que cela tombe juste !), lui
valut finalement d’être libéré en juillet 1891 » et de
débarquer à Liverpool sur le Teutonic le 1er
octobre 1891, en provenance du Canada. Mais la
législation américaine de l’Illinois interdisait formellement ce
genre d’accommodement avec le ciel et le véritable docteur Cream
resta en prison jusqu’au bout, tandis que le coupable put continuer
à assassiner en toute liberté.
Voici donc l’histoire qui a abusé Scotland Yard et presque tous
les chercheurs : Neill ne pouvait être l’Etrangleur en 1888
puisqu’il aurait été à cette date reclus à perpétuité au
pénitencier de Chicago et qu’on ne constatait son arrivée en
Angleterre, sous le nom de Thomas Neill Cream, que le 1er
octobre 1891. De plus, il semble qu’en Angleterre Paul Neil n’ait
jamais exercé le métier de médecin ou de chirurgien, dont il
n’avait pas les diplômes, mais de représentant commercial en
produits pharmaceutiques : arsenic, chloroforme, cocaïne,
morphine, strychnine, cachou (médicament à l’époque), etc., en
provenance notamment d’une firme new- yorkaise., la Compagnie
Harvey, de Saratoga Springs .
La
signature : le ricanement sardonique de ses lettres.
Les
billets de Jack l’Eventreur incluent curieusement des éclats de
rire sardoniques fréquents et incongrus. Or, sous l’effet de la
drogue, haschich et datura notamment à en croire J. Jacques Moreau
de Tours , dans Le haschich et l’aliénation mentale, 1845),
un tel phénomène est fréquent.
La
vie de Neill à ses débuts, de 1876 à 1887 (Canada, Angleterre,
Etats-Unis).
Neill
s’est fait faire plusieurs fois sa photographie à Londres :
il porte une paire de moustaches brunes qu’il n’hésite
peut-être pas à teindre en roux, châtain ou blond, des lunettes.
Nous savons qu’il souffrait de violents maux de tête dus à une
hypertension oculaire contre lesquels il prenait de très fortes
doses de drogue, soit un mélange de morphine contre la douleur, de
cocaïne et de strychnine. Sa taille est moyenne (1, 70 m environ, 5
pieds 7 pouces), il est légèrement corpulent.
C’est un esprit criminel qui commet des meurtres de jouissance :
il faut qu’il voie sa victime souffrir, qu’il l’ait empoisonnée
à la strychnine ou assassinée à l’arme blanche, c’est pourquoi
il ne la tue pas du premier coup en la frappant au corps, si bien
qu’on trouve presque toujours du sang sous ses victimes .Peu lui
importe le sexe, la profession, l’âge. C’est un pur sadique,
magnifique illustration de la désintrication des pulsions, sadique
oral à travers son, cannibalisme certes, mais sans jamais se rendre
coupable de viols. Il aime dénoncer des innocents en leur faisant
porter le poids de ses crimes, faire du chantage sur eux. Pourquoi
s’en prend-il le plus souvent à des prostituées ?
Simplement parce que cela lui est plus facile. Mais il propose son
« aide » aux femmes enceintes désireuses d’avorter, ce
qui est illégal à l’époque, et il leur fournit des capsules de
strychnine qui les font souffrir, puis mourir.
Ainsi le prétexte pour aborder une prostituée est-il celui de la
prémunir contre une
conception
et contre des maladies vénériennes..
En voici un « indice » : près du cadavre dépecé
de Annie Chapman, la police mit la main sur deux pilules à base de
strychnine, abortives, perdues par le docteur Neill, alias
Jack l’Eventreur
De
même, les cachous emballés dans du papier de soie comme les
pastilles de strychnine (pas les cachous Lajaunie que nous
connaissons, mais les cachous anglais ou kasu dits de Ceylan
ou de Colombo et provenant réellement de l’Areka katechu
blanco), trouvés dans la main gauche de Elizabeth Stride,
étaient à l’époque un médicament vendu en pharmacie contre les
maladies vénériennes et Jack l’Eventreur a dû les lui offrir.
Il est amusant de noter que l’habile faussaire auteur du Journal
de Jack l’Eventreur, p.99, évoque le meurtre de cette
prostituée en ces termes :
« J’ai
essayé de détacher la tête
Le
cheval [du charretier qui découvre le corps] s’est cabré
Bon
sang ai-je crié
Mais
je sentais encore son haleine sucrée [par le cachou] ».
Pour
ajouter une touche finale, l’auteur de ce Journal a laissé
du charbon animal dans le bas du journal pour évoquer le cachou que
l’Etrangleur était censé mâcher : le cachou Lajaunie doit, en
effet, sa couleur noire au charbon de peuplier noir. Mais il est peu
probable que le cachou Lajaunie, créé en 1880, ait été déjà
connu à Londres en 1888, ce qui montre une faille dans la virtuosité
de la faussaire.
En
1876, au Canada, Neill séduit Flora Elisa Brooks, la rend
enceinte et la fait avorter. Le père de la jeune fille l’obligea,
arme au poing, à l’épouser. Mais Neill l’abandonne et lui
envoie d’Angleterre des pilules qui la font trépasser, ainsi que
son père. En Angleterre il s’inscrit à l’école
d’application du Royal London Hospital, situé près du West End,
mais il fréquente les prostituées bon marché de ce quartier,
plutôt que les cours, et il échoue à ses examens. Cela explique sa
parfaite connaissance de ce quartier.
De
retour au Canada, il exerce dans l’Ontario à London , une ville du
Canada, et se fait une spécialité de l’épilepsie et surtout de
l’avortement. Mais ce faiseur d’anges fait mourir ses patientes
désirant avorter Le décès de Kate Gardener à la suite d’ un
avortement l’oblige à quitter le Canada pour les Etats-Unis.
En
1880, Neill s’installe à Chicago et Julia Faulkner décède encore
par suite d’avortement ou plutôt d’empoisonnement. A partir de
1881, il prend le nom de Cream et ce sont les aventures dont nous
avons parlé. Il se rend en Angleterre à nouveau, disparaît et
reparaît à Londres en 1887.
Les
8 premières ( ?) assassinées, dont 4 du 31 août au 9 novembre
1888, ainsi qu’une fillette et 3 garçonnets
Leur
nombre est sujet à controverse, les trois premières sont
contestées, savoir le 25 décembre 1887, Fairy Fay, qui est
dépecée ; le 13 avril1888, Emma Smith, puis Martha Tabram,
qui souffre de 39 perforations à la pointe du poignard. Nous avons
ensuite les 5 meurtres les plus célèbres :
4 a
Mary Ann Nichols, le 1er septembre 1888
4 b
un énorme incendie criminel près des docks se déclara la nuit de
l’assassinat de Mary Ann Nichols, le 1er septembre 1888,
il était son oeuvre.
5
Ann Chapman, le 7 septembre 1888
6
Elisabeth Stride, le 29 septembre 1888
7
Catherine Eddoves, le 29 septembre 1888 ? On accuse parfois
Kosminsk de ce meurtre..
8
Mary Jeanne Kelly, le 30 octobre 1888, - toutes prostituées.
Les
mutilations sont affreuses : intestins autour du cou, etc.
Fin 1888
9 Le
26 novembre1888, un garçon de 8 ans, Percy Knight Searle, est
sauvagement assassiné près de Portsmouth, la gorge tranchée à 4
endroits. Le 14 novembre 1888, Jack L’Eventreur avait expédié
une lettre où il écrivait : « Je vais commettre 3 autres
assassinats, 2 filles [[ce sera Rose Mylett et une inconnue, cf.
15 ?], et un garçon d’environ 7 ans [Percy Knight Searle]
cette fois. J’aime beaucoup éventrer, surtout les femmes, car
elles ne font pas énormément de bruit. »
10
Le 20 décembre 1888 on trouve le cadavre d’une nouvelle
prostituée, Rose Mylett , atrocement assassinée .
11
Le jeudi 27 décembre 1888, le cadavre de John Gill, 8 ans,
assassiné à Bradford, est retrouvé entre le mur et la porte d’une
écurie : les 2 oreilles ont été tranchées, les jambes
sectionnées, le ventre grand ouvert, le coeur arraché de la
poitrine et coincé sous le menton, les organes sexuels coupés et
posés sur le sol avec des mutilations des parties génitales « trop
écoeurantes pour être décrites » On avait ôté ses
chaussures pour les fourrer dans la cavité abdominale. Le 19
décembre 1888, Jack L’Eventreur avait écrit de Liverpool :
« « Je me suis rendu à Liverpool et vous entendrez
bientôt parler de moi [le meurtre de John Gill] ». Le 26
novembre 1888: « je commettrai un autre meurtre sur une
jeune personne, comme ces garçons qui travaillent dans les
imprimeries à la City. Je vous ai déjà écrit une fois, mais je
crois que vous n’avez pas compris. Je leur ferai pire qu’aux
femmes, je leur prendrai le coeur et je les éventrerai de la même
façon. Je les attaquerai quand ils rentrent chez eux. N’importe
quel jeune que je vois, [ce sera dans les faits le malheureux John
Gill], je le tuerai mais vous ne m’attraperez jamais, mettez ça
dans votre poche et votre mouchoir dessus. »Dans une lettre non
datée, l’Eventreur écrivit à la police Métropolitaine : « J’ai
éventré un petit garçon à Bradford », et, le 16 janvier
1889, il parle de son « voyage à Bradford ».
1889
12
et 13 Entre le 16 janvier 1889 et juin 1889, l’Eventreur
disparaît, peut-être séjourne-t-il en France, à Pont-à-Mousson,
connue pour ses fabrications de couteaux et d’opinels (société
rachetée par Saint-Gobain aujourd’hui) : selon Patricia
Cornwell, une veuve, Madame François, est décapitée ; dans
le même secteur, au même moment, une autre femme est retrouvée,
la tête quasiment séparée du corps. Neill, québécois, devait
parler français.
14
Ici intervient une affaire qui annonce les empoisonnements à la
strychnine. En mai 1889, meurt à Liverpool James Maybrick,
négociant en coton, empoisonné par la strychnine et l’arsenic
dont il faisait un fréquent usage. Sa femme Florie Chandler était
d’origine américaine et elle le trompait. Il avait cherché un
fournisseur pour sa strychnine et l’avait trouvé dans Thomas
Neill Cream alias Alfred Thomas Briarley (anagramme de
[c] ream) qui séduisit son épouse et lui prodigua des conseils
pour empoisonner son mari. Curieusement, elle réserve une chambre
pour une semaine à l’hôtel Flatman dans Henrietta Street à
Londres, au nom de « M. [son amant, Thomas Briarley] et
Madame Thomas Maybrick, de Manchester ». Elle écrit à
son amant : « Chéri, N’aie aucune crainte
d’être découvert, que ce soit maintenant ou dans le futur…
Tu n’as donc pas besoin de partir à l’étranger [au Canada]
pour cette raison ». La découverte porte sur la strychnine
et non sur l’adultère. Pour des raisons d’héritage, les frères
de Maybrick fabriquent un faux testament qui déshérite son épouse
et surtout ils ourdissent une machination contre elle : lors
d’un procès retentissant, celle-ci fut condamnée à mort, mais
graciée.
Le
Journal de Jack l’Eventreur, « découvert » en
1991 par Mike Barrett, est censé avoir été rédigé en mai 1889
par James Maybrick sous l’influence de ses drogues : il nous
raconte comment il devient Jack l’Eventreur et les assassinats
qu’il commet à Whitechapel par haine de sa femme adultère . Quoi
qu’il en soit, c’est une magnifique œuvre poétique évoquant
Une saison en enfer de Rimbaud ou Misérable miracle
(1956) de Michaux. , cette dernoière œuvre écrit sous la
dépendance de la mescaline. Cette habile mystification littéraire
est sans doute l’œuvre d’une femme de Liverpool , nourrie de
Lord Jim de Conrad (1900) en qui elle voit des traits qui lui
rappellent son mari, un ancien de la marine comme Lord Jim :
la mystificatrice pourrait-elle être Ann Barrett ?
15
En juin 1889 les restes d’une femme démembrée furent découverts
à Londres.
16
Le 16 juillet 1889, le cadavre d’Alice Mac Kenzie, une prostituée,
fut découvert à Whitechapel, le ventre mutilé, la gorge tranchée.
« Mon opinion, est que ce meurtre a été exécuté part la
même personne qui a commis la précédente série des meurtres à
Whitechapel », déclara le Docteur Thomas qui fut chargé de
l’autopsie.
17
Le 6 août 1889, le cadavre d’une fillette de 8 ans, Caroline
Winter est découvert près de Newcastle -upon- Tyner, le crâne
fracassé, le corps portant « d’autres blessures
épouvantables ».On l’avait jetée dans une mare à proximité
d’un égout . Caroline avait parlé avec un homme aux cheveux
noirs, avec une moustache noire et un costume gris miteux. « Il
avait offert un shilling à Caroline pour qu’elle l’accompagne et
elle l’avait suivi. »
18
Le 10 septembre1889, un torse de femme atteste d’un meurtre.
Le 20 juillet 1889, Jack annonçait : « J’ai l’intention
de finir mon travail à la fin août, lorsque je mettrai les voiles
pour l’étranger [Canada] ».Le . 2 septembre 1889, on trouve
une bouteille à la mer près de Folkerstone : « Navire
S. S. Northumbria Castle Left. Suis de nouveau en chasse. Jack
l’Eventreur. « Un homme habillé en soldat (à savoir
lui-même) avait annoncé devant les locaux du Herald, , le
8 septembre 1888, l’endroit où l’on trouverait le torse
féminin, avant de s’enfuir.
19
Le 15 septembre 1889, on découvrit le corps en décomposition d’un
garçon dans une maison abandonnée de Southport « Je
commettrai le meurtre dans une maison vide » , avait écrit
l’Eventreur .
20
Le 13 décembre 1889, des restes humains en décomposition sont
découverts, parmi lesquels une main droite de femme au petit doigt
de laquelle il manquait deux phalanges. Or, le 4 décembre 1889, Jack
l’Eventreur avait écrit : « je m’exerce à
couper les jointures, et si j’y parviens, je vous enverrai un
doigt. » Est-ce son dernier meurtre sauvage ?
Les
empoisonnements
Le
FBI, dans son étude sur les tueurs en série, montre que le serial
killer est un opportuniste et n’est pas fixé à un modus
operandi déterminé : ainsi, le tueur cannibale Ottis Toole
abattit ses victimes avec un fusil ou un révolver, mais aussi en les
poignardant, en leur fracassant le crâne à coups de pierre, en les
étranglant, voire en les pendant et même en les crucifiant. Cette
réflexion est destinée à ceux qui trouveraient étonnant qu’un
meurtrier sadique devienne un empoisonneur.
Il
n’a jamais été gênant pour ses partisans qu’un autre criminel,
le juif polonais Severin Klosovski, dit Chapman du nom d’une de ses
épouses, soit censé avoir le même parcours criminel, passant des
meurtres à l’empoisonnement : il a été soupçonné par
l’inspecteur Abberline d’être Jack l’Eventreur. Klosovski
était arrivé de Pologne où il avait fait cinq ans d’études
médicales, avant le début des meurtres qui s’arrêteront après
son départ en Amérique.Il empoisonnera successivement trois de ses
épouses et sera pendu en 1903.à Londres .L’inspecteur Abberline,
chaud partisan de Klosovski comme suspect d’être Jack l’Eventreur,
expliquera le changement de méthodes de Klosovski par « la
différence de classe de ces nouvelles victimes qui exige,
évidemment, une nouvelle façon de tuer ».
Neil
disparaît ensuite au Canada, s’y fait oublier, puis revient à
Londres où il sévit à nouveau et passe à l’empoisonnement, en
1891, mais toujours à la strychnine et sur des prostituées :
4 empoisonnements réussis (il en rate un 5e) :
21 Ellen Donworth , 22 Alice March, 23 Emma Schirvel, 24
Mathilde Clover . Pris, il est pendu.
Les
divers couteaux de Jack l’Eventreur: un Toronto afghan
knife, puis un kukri , à nouveau un
Toronto et enfin un dirk
écossais.
Patricia
Cornwell, dans Jack l’Eventreur, affaire classée, portait d’un
tueur, P. 53, écrit : « les Britanniques qui se
rendaient en Asie rapportaient chez eux toutes sortes de souvenirs,
certains plus adaptés que d’autres pour poignarder ou découper.
Ainsi, le pesh balz indien est l’exemple même d’une arme
pouvant provoquer des blessures de plusieurs largeurs, en fonction de
la profondeur. La solide lame en acier de ce « poignard »,
comme on l’appelait, pouvait infliger une variété de blessures
capable de laisser perplexe n’importe quel légiste, aujourd’hui
encore. La lame incurvée mesure presque 3 cm de large au niveau du
manche en ivoire et, aux deux tiers, elle devient à double
tranchant, à l’endroit où elle commence à s’affiner pour finir
par ressembler à une aiguille. Celui que j’ai acheté chez un
antiquaire a été fabriqué en 1830 et il tenait aisément (y
compris sa gaine) dans la ceinture du pantalon, dans une botte, dans
les grandes poches d’un manteau ou dans une manche. La lame
incurvée du poignard oriental baptisé jambya (vers 1840)
laisse, elle aussi, des plaies de largeur différente, même si
toute la longueur est à double tranchant. » Pour être plus
précis, je pense que Neill a acheté un jambya, ou kyber,
à Toronto, savoir un Toronto afghan knife, à lame fabriquée
aux Etats-Unis, mais de marque canadienne (marque « Toronto »,
aujourd’hui encore).
Le
19 octobre 1888, Jack l’Eventreur écrit qu’il se sent «
abattu, à cause de mon couteau que j’ai perdu en venant ici et il
m’en faut un ce soir. ». Le 21 octobre, un agent de police
découvre un kukri ensanglanté dans des fourrés. Or, le
kukri est un couteau indien avec une lame incurvée, très
robuste, utilisé pour égorger et pour trancher les membres. Mais,
faute d’avoir retrouvé son kukri,le 30 octobre 1888,
l’Eventreur a dû se contenter d’un Toronto pour tuer Mary
Kelly « La peau et les chairs de l’abdomen ont été ôtées
de manière importante en trois endroits, la cuisse droite était
dépecée jusqu’à l’os, la partie inférieure du poumon droit
était endommagée et arrachée, le péricarde était ouvert au
dessous et le cœur absent ainsi que l’utérus et des
morceaux de ses parties génitales » (rapport d’autopsie de
Mary Jane Kelly).
Une de ses lettres, écrite de Glasgow témoigne de son amour pour
ce kukri : « Je crois que je vais abandonner mon joli couteau
tranchant. Trop bon pour des putains. Suis venu ici pour acheter un
dirk (poignard) écossais. Ha ! Ha !ça leur
chatouillera les ovaires », p. 193
Le
sac noir servant à transporter de quoi protéger ses vêtements et
le paquet pour transporter ceux qui étaient ensanglantés.
Le
10 octobre 1888, 10 jours après les meurtres de Elizabeth Stride et
de Catharine Eddowes, le Daily Post a rapporté que la police
avait pris possession d’un sac noir oublié au Charing Cross Hotel
avec « certains documents, articles d’habillements, carnets
de chèques, gravures à caractère obscène ». Les documents
suggèrent que le propriétaire du sac s’était souvent rendu en
Amérique. Les gravures obscènes rappellent celles que Neill est
si fier de montrer, dans la ville, Québec à Mac Culloch et qui
choquent ce dernier, comme les articles d’habillement rappellent
les perruques montrées au même voyageur par Neill. La police
interrogea, dans le cadre de l’enquête sur Jack l’Eventreur, le
propriétaire du sac qui fréquentait les bas quartiers de l’East
End de Londres et se disait résident à Liverpool. Scotland Yard
a donc eu entre les mains notre meurtrier, qui, à ce moment, a dû
avoir chaud. De là son impression d’invulnérabilité et son
sentiment que tous les policiers sont des imbéciles.
Le
30 octobre 1888, quelques heures avant le meurtre de Mary Ann
Nichols, un laitier raconta à la police qu’un homme avec un sac
noir brillant (que Jack l’Eventreur avait récupéré entre les
mains de la police) lui avait demandé, -il était 23 heures,
-l’autorisation de se changer dans sa remise. Le laitier surprit
l’inconnu en train de protéger son pantalon avec « une cotte
blanche comme celles que portent les mécaniciens ». L’inconnu
se saisit ensuite d’une veste blanche, qu’il enfila rapidement
par-dessus sa jaquette, et il dit : « Effroyable, ce
meurtre, hein ? [le meurtre d’Ann Chapman]». Il
récupéra sa sacoche et se précipita dans la rue en
s’exclamant : « Je crois que j’ai un indice [les
pilules ?]».
Le
lendemain du double assassinats d’Elizabeth Stride et de
Catherine Eddows, le lundi 1er octobre 1888, à 9 heures,
M. Chinn, propriétaire de Nelson Tavern à Kentish Town, découvrit
dans sa remise, enveloppé dans du papier journal, un paquet
analogue à celui que portait le meurtrier d’Elizabeth Stride une
demi-heure avant sa mort (on l’a vu avec ce paquet) A l’intérieur
du paquet, la police trouva un pantalon sombre imbibé de sang et
des cheveux collés au sang coagulé sur le papier journal. Le
meurtre d’Elisabeth Stride est donc à attribuer à Jack
l’Eventreur, même si celui de Catherine Eddowe peut être imputé
au juif polonais Kosminski.
Les
déguisements
Neill
aimait se déguiser : nous en avons la preuve dans le témoignage
de Mc Culloch avec qui Neill se lia d’amitié à Québec. Il
lui montra une cantine, en sortit une paire de faux favoris, longs et
touffus : « Je m’en sers pour éviter d’être reconnu
quand j’opère », lui dit-il. Il n’hésitait pas à revêtir
des uniformes militaires. Dans l’affaire du meurtre d’Annie
Chapman, Scotland Yard trouva un bout d’enveloppe taché de sang
qui était frappé de l’insigne d’un régiment du Sussex et
portait le cachet de la poste : « Londres, 20 août »,
ainsi qu’un début de suscription : « M[aster
Thomas Neil Cream] », Master étant le titre des
chirurgiens. Celui qui lui écrivait était peut-être son ancien
complice dans le meurtre de Martha Tabram, ce caporal qui avait passé
la nuit avec Pearly Poll, l’amie de la victime. On ne put
identifier aucun de ces deux militaires dont l’un était Neill,
revêtu d’un uniforme qui le rendait méconnaissable.
Les
lettres de Jack l’Eventreur.
Le
problème de la nombreuse correspondance avec la police (plus de 200
lettres et cartes) signée Jack l’Eventreur est que de nombreux
plaisantions ont profité des publications dans la presse et se sont
déchaînés, sans qu’il soit facile de discerner l’authentique
du faux. Voici quelques lettres qui semblent authentiques (avec ces
américanismes qui rappellent les séjours de Neill aux USA). Voici
la première, en date du 12 septembre 1888, écrite à l’encre
rouge :
« Cher
boss,
Je
n’arrête pas d’entendre dire que la police m’a pris, mais elle
ne m’arrêtera pas de sitôt, ça me fait bien rire qu’ils aient
l’air si malin et qu’ils racontent qu’ils sont sur ma piste. La
farce de Tablier -de- Cuir m’a fait rire aux larmes.
J’en
ai après les putains et je n’arrêterai de les découdre que
quand je serai bouclé. Superbe, mon dernier boulot. Je n’ai pas
laissé à la dame le temps de couiner. Comment peuvent-ils me
capturer maintenant ? J’aime mon travail et je veux
recommencer. Vous entendrez bientôt parler de moi et de mes joyeux
petits divertissements.
Après
mon dernier boulot, j’avais mis de côté dans une bouteille de
ginger beer [soda] le vrai liquide rouge pour écrire avec mais il
est devenu épais comme de la colle et je ne peux m’en servir.
J’espère que l’encre rouge suffira. Ha ! Ha !
Le
prochain boulot que je ferai je couperai les oreilles de la dame et
je les enverrai à la police pour rigoler, n’est-ce pas ?
Conservez cette lettre jusqu’à ce que j’aie fait encore un peu
de boulot et puis rendez-la publique aussitôt. Mon couteau est si
joli et si tranchant que je veux me remettre au travail tout de suite
si je trouve l’occasion. Bonne chance.
Sincèrement vôtre.
JACK L’EVENTREUR.
Pas
d’inconvénient à donner ma marque de fabrique [mon pseudonyme de
Jack l’Eventreur].Il faut que j’enlève toute cette encre rouge
de mes mains avant de mettre cette lettre à la poste.
Malédiction !
Pas eu de chance encore. Maintenant ils disent que je suis un
docteur. Ha ! Ha ! »
Voici
d’autres exemples, comme une carte postale avec l’empreinte d’un
pouce sanglant (Scotland Yard n’utilisait pas encore les empreintes
digitales) :
« Je
ne vous racontais pas de blagues, cher vieux Boss, quand je vous ai
donné le tuyau. Vous entendrez parler demain du travail de Saucy
Jack (Jack le gandin). Cette fois, coup double. Numéro Un a un peu
couiné. Pas pu la finir d’un seul coup. N’ai pas eu le temps de
récupérer les oreilles pour la police. Merci d’avoir gardé cette
lettre en attente jusqu’à ce que je me remette au travail. Jack
l’Eventreur. »
« Cher M. Lusk [le Président du comité de vigilance de
Whitechapel], je vous envoie le rein que j’ai prélevé sur une
femme et que j’ai conservé pour vous ; l’autre
morceau, je l’ai fait frire et je l’ai mangé ; c’était
très bon. Je peux vous expédier le couteau ensanglanté
qui l’a détaché si seulement vous attendez un peu. Attrapez-moi
si vous pouvez, M. Lusk.»
« Old
boss [le major Smith qui analysait aussi le rein], est-ce que vous
avez vu le diable [le Docteur Openshaw, chef du service de pathologie
du London Hospital, chargé d’analyser le rein] examinant avec son
microscope et son scalpel un rein ?... Dites donc, Boss, vous
avez l’air d’avoir rudement peur. J’aimerais bien vous donner
une crise, mais je ne peux pas attendre de laisser les flics faire
joujou avec ma boîte de jeux [le rein]. Mais j’espère vous voir
quand je ne serai pas trop pressé. Au revoir, Boss. »
La
correspondance apocryphe.
Un
journaliste, une jeune ouvrière de 21 ans originaire de Bradford
nommée Maria Coroner et surtout le peintre Sickert en sont les
principaux auteurs identifiés. Les lettres de Walter Sickert sont
parfois signées discrètement de l’abréviation de son nom, St,
enrichies de dessins faits avec un mélange de diverses encres pour
faire croire à du sang et écrites sur du papier filigrané.
Nous faisons un sort spécial au peintre Sickert parce que Patricia
Cornwell a voulu voir l’Etrangleur dans Jack L’Eventreur,
affaire classée, portait d’un tueur. Sickert avait loué un
studio au 6 Mornington Crescent, et sa logeuse lui avait raconté
qu’il avait été occupé par un jeune étudiant polonais qui
était Jack L’Eventreur (p.81). Un des tableaux de Sickert, La
chambre de Jack l’Eventreur, reproduit cette chambre :
Sickert était convaincu que Jack l’Eventreur était bien cet
étudiant polonais, mais il avait oublié son nom, Il s’agissait
d’Aaron Kominsky, juif polonais schizophrène qui fut
interné à plusieurs reprises (aujourd’hui. Neill ou Kominski
avaient saisi l’occasion du meurtre qu’ils venaient de commettre,
celui de Catherine Eddowes, pour se faire l’écho de la rumeur
incriminant un juif en inscrivant sur le mur qui se trouvait près
du cadavre de Catherine Eddowes : « Les juifs sont des
hommes qui ne seront pas accusés sans raison ». Est-ce un
aveu de culpabilité émanant du juif Kosminkiet répondant à la
rumeur antisémite ? S’il faut en croire Russell Edwards
(Naming Jack the ripper, 2014), le meurtre de Catherine
Eddowes serait, en effet, l’œuvre du coiffeur juif
polonais Aaron Kosminski, qui a laissé son ADN sur un châle trouvé
à côté du cadavre de Catherine Eddowes. Cependant, on a fait
remarquer que le procès-verbal ne mentionnait pas ce châle dans
les effets trouvés à côté de Catherine Eddowes et que, lors
d’une Conférence en 2007, le châle avait été manipulé par des
descendants de Kosminski et avait pu être contaminé,
involontairement ou non, par eux.
Les
adresses de Jack l’Eventreur à Liverpool et à Londres.
Liverepool
était le port de débarquement et d’embarquement des passagers en
provenance du Canada (6 jours en vapeur par New York). Sir Arthur
Conan Doyle disait qu’il faudrait chercher le meurtrier du côté
de l’Amérique, à cause des américanismes dont ses lettres
étaient émaillées et il avait raison. Jack l’Eventreur nous
livre une de ses adresses dans ce port de Liverpool lorsque, le 29
septembre 1888, il nous donne le lieu des Minories, à côté de
Mitre Square et la date à un jour près de son prochain
meurtre :
« De Liverpool,
Prince William Street . Attention :
je travaillerai le 1er septembre et le 2 aux Minories, à minuit. Je
donne une chance sérieuse aux autorités, mais il n’y a jamais de
policier près des lieux où je travaille. Jack l’Eventreur
« Que les policiers sont idiots ! Je leur donne même le
nom de la rue où j’habite [|à Liverpool, Prince William
Street]. »
Le
major Smith poursuivit l’Etrangleur (mais ce peut être Kosminki)
après son meurtre de Mitre Square : quittant le théâtre de
son crime, celui-ci avait coupé par Houndsditch et Middlesex street
pour rejoindre Goulston Street où il avait abandonné un chiffon
ensanglanté qui fut identifié ensuite comme le tablier de Catherine
Eddowes, lacéré à coups de couteau. « Puis il (il s’agit
peut-être cette fois de O’Neill, le vrai éventreur) obliqua vers
le nord, se dirigeant vers Dorset Street où il se lava les mains à
une fontaine publique invisible depuis la rue et qui se trouvait dans
un renfoncement de 5 à 6 mètres. Quand le major Smith arriva, il
restait encore de l’eau rougie de sang dans le bassin. » De
là il continua sa route vers son hôtel londonien, Charing Cross
Hotel.
A
Deptford, il éveilla les soupçons, tellement il se montra
avide d’avoir un numéro du Evening Standard. Le marchand
déclara à la police qu’il avait alertée : « (il
m’a) arraché le journal des mains, m’a lancé un penny et s’est
précipité hors de la boutique. Sans attendre d’être rentré chez
lui, il lut avidement et fébrilement, à la lumière d’une
vitrine, le compte rendu du drame… » Mais quand la police
arriva, le particulier s’était « éclipsé ».
Free
Encyclopédie du Canada nous apprend que Neill était aussi un
incendiaire (l’incendie des docks près des quais) et un voleur.Ce
tueur en série rapportait chez lui, en guise de trophées (qu’il
mangeait parfois) les organes qu’il découpait sur ses victimes.
Une
hypothèse absurde, celle de John Montague Druitt.
John
Montague Druitt, au moment de son suicide dans la Tamise, le 3
décembre 1888, était un jeune homme de 28 ans, ébranlé par la
folie de sa mère (elle sera internée quelque temps après le
suicide de son fils) et surtout dépressif. Après avoir exercé
comme avocat , ce membre de la bourgeoisie était devenu l’un
des trois maîtres résidents (maître d’internat) dans une boîte
à bachot de Blackheath pour riches élèves, avec 42 pensionnaires.
Il encourut la haine et la jalousie de ses collègues d’origine
sociale inférieure et qui n’avaient pas son niveau d’études.
Ceux-ci, menés par le directeur, un dénommé George Valentine,
ourdirent contre lui un complot qui s’appuyait sur l’attachement
homosexuel, réel ou supposé, de l’ordre du fantasme ou des faits,
qu’il ressentait pour l’un de ses jeunes élèves mineurs dont
on ignore le nom (l’un des 42 internes) , Scotland Yard n’ayant
pas fait d’enquête. On peut supposer qu’un élève complice de
M. Valentine lui fit des offres et qu’il se compromit plus ou
moins avec lui: les comploteurs lui arrachèrent sa démission
et cherchèrent à le faire chanter en prétendant que la famille
du garçon voulait porter plainte devant les tribunaux contre lui
pour détournement de mineur, mais que, par l’intermédiaire de ce
bon M. Valentine, le meneur du complot, elle accepterait une
transaction financière de 66 livres dont 16 en or. Druitt
recueillit l’argent (on trouva sur son cadavre un chèque de 50
livres et 16 livres en or). Mais écrasé par un sens du péché et
par une culpabilité pathologiques, en proie à une intense
dépression nerveuse, l’infortuné Druitt, alors qu’il avait
pourtant réuni la somme exigée par le maître -chanteur, préféra
se suicider dans la Tamise avec sur lui l’argent exigé et une
lettre à Valentine qu’on aimerait bien connaître. J’imagine
qu’il devait y protester de son innocence, renvoyer Valentine à sa
responsabilité criminelle et lui dire qu’au moins il n’aurait
pas l’argent qu’il convoitait Un suicide n’est pas un aveu de
culpabilité (de quoi d’ailleurs ? Certainement pas des
meurtres sauvages de Jack l’Eventreur).Il s’était suicidé,
aurait-il dit, parce qu’il ne voulait pas finir dément comme sa
mère. Scotland Yard qui chercha à faire peser sur lui le soupçon
qu’il était Jack l’Eventreur en personne ( !), se montra
très peu curieux, ne demandant ni à lire ni à publier la lettre
adressée à M. Valentine, ni à voir au nom de qui était établi
le chèque de 50 livres et n’inquiétant aucunement le dénommé
Valentine. En tout cas, amitiés particulières ou non,
l’innocent Druitt, qui était victime d’une cabale d’enseignants
jaloux, de sa propre naïveté, ainsi que de son côté névrotique,
n’a rien à voir avec Jack l’Eventreur, mais on n’hésita pas à
le qualifier de « maniaque sexuel » ( !) et on
fut trop heureux, à Scotland Yard, de trouver en lui un bouc
émissaire. Les meurtres continuèrent d’ailleurs bien après la
découverte du cadavre du noyé le 31 décembre 1888. .
Certains ont voulu voir dans le sadique que fut Jack l’Eventreur un
génie indépendant qui a réussi une réforme sociale et
urbanistique, celle du East End londonien. Ce qu’il y a de certain,
c’est que , de son point de vue, Jack l’Eventreur a gagné en ce
sens qu’il a déjoué les enquêtes de Scotland Yard et qu’il a
créé une énigme et un mythe.
Paul Griscelli